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Entretien avec Anneliese Prouvost (Ecailles de mer)

« CHANGER AVAIT DU SENS D’UN POINT DE VUE ÉCOLOGIQUE ET AU NIVEAU DU COÛT»

Depuis 1956, l’entreprise Ecailles de Mer est spécialisée dans le sable marin coquillé à destination principalement de l’alimentation animale. Notamment dans un souci écologique, la société familiale a décidé de changer cette matière première par les déchets coquilliers issus des professionnels de la pêche.
Anneliese Prouvost, Directrice du site, nous raconte ce que ceci va changer et les orientations de l’entreprise pour le futur. 

Anneliese, présentez votre société.

« Notre société « Écailles de Mer » est basée à Killem dans le Nord, près de Dunkerque. Notre activité se rapporte à tout ce qui est lié au traitement de la coquille marine calcaire pour l’alimentation animale, ces coquillages sont utilisés comme compléments alimentaires minéraux à destination majoritairement de la volaille. Récemment, nous avons décidé de substituer notre matière première qu’est le sable coquillier dragué en mer par des déchets coquilliers, de type coquille Saint-Jacques, coquille d’huîtres, qui sont à l’heure actuelle enfouies sous terre. Avec ces produits, nous avons une activité de traitement et de conditionnement. Nous faisons des formats de 2 jusqu’à 25 kilos en sac. Tout ceci est ensuite commercialisé auprès des jardineries, des entreprises spécialisées dans les animaleries... Nous travaillons également avec de grandes coopératives agricoles à qui nous fournissons des matières premières.. »

 
Derrière ce changement pour tendre vers plus de déchets coquilliers, y-a-t-il également une démarche écologique ?

« Tout à fait. Il faut savoir qu’à l’origine, notre matière première était prélevée en mer, en Bretagne, qui compte de nombreuses zones maritimes protégées, et que l’extraction du sable provoquait un amas de poussière qui se déportait dans ces zones protégées. On s’est alors dit que ça pourrait être intéressant de changer d’un point de vue écologique mais aussi au niveau du coût. Étant localisé près de Dunkerque, s’approvisionner en Bretagne avec le contexte actuel sur les transports représentait une charge trop importante. Notre démarche était également celle-ci : nous nous sommes dit  « tiens, on peut arrêter d’aller prélever en mer d’une part, et d’autre part aller revaloriser des déchets  coquilliers qui coûtent 100 euros à l’enfouissement par tonne ».  »

Pour prolonger sur cette thématique, avez-vous entrepris des actions pour réduire votre empreinte carbone, votre impact énergétique 

« On est en train de travailler sur notre manière de rationnaliser notre séchage, les déperditions de chaleur, tout ce que l’on rejette qu’on pourrait réutiliser. Par exemple, ne peut-on pas réutiliser la chaleur pour préchauffer le produit ? On réfléchit également à optimiser la façon dont on relève la température pendant la production, qui va évoluer avec notre nouveau produit.  Concernant les déchets inhérents à notre activité, tout ce qui n’est pas intéressant pour nous peut l’être pour quelqu’un d’autre. Les agriculteurs ou les fermiers du secteur viennent récupérer les gros cailloux et les grosses coquilles que l’on ne peut pas broyer et les utilisent pour mettre sur leur chemin.  »

Ce passage du sable coquillier vers des déchets coquilliers a-t-il eu des conséquences au niveau de votre process ? 

« Deux étapes vont être ajoutées : la partie inertage et broyage. On va stocker à couvert les coquilles pour que la matière organise puisse se décomposer et la partie broyage va être beaucoup plus importante puisque l’on va se retrouver avec des coquilles entières, donc une plus forte granulométrie. À l’heure actuelle on broie 5% de notre activité, ce taux va passer à pas loin de 100%.  »

Vous avez également le projet d’un nouveau bâtiment de stockage : pourquoi cette décision et qu’est-ce que cela va induire derrière ?

« Ce n’est pas nous qui avons décidé de mettre les coquilles à couvert pour la phase d’inertage, mais la DDPP (directions départementales de la protection des populations). C’était indispensable pour l’obtention de notre agréement. Nos bâtiments actuels font 2 000 m², avec un auvent de 400 m². Nous avons besoin de plus de place pour améliorer notre capacité de stockage, et ce nouvel auvent va nous permettre de passer à deux zones d’inertage. Nous avons une activité qui fait que nous sortons 6 000 tonnes par an, dont 4 000 tonnes de coquilles qui ont besoin d’être inertées durant 8 à 12 semaines. Avec ce changement au niveau de la matière première, nous avons besoin de plus de place pour réaliser ces opérations car plus on va stocker un tas important, plus ça va être long pour se décomposer.   »

 

« Nous avons déjà tout un système de lutte contre les nuisibles »

Comment vous protégez-vous des nuisibles ?

« Étant certifiés pour l’alimentation animale, nous avons déjà tout un système de lutte contre les nuisibles, notamment les rongeurs puisque nous sommes situés en plein champs. On a dû ajouter un filet, que nous tendons sous notre auvent, pour éviter que les oiseaux (mouettes, pigeons , …) ne fassent leur excrément sur la matière posée en dessous.   »

De ces changements au niveau de la logistique, du stockage, du process, lequel a été le plus complexe à appliquer ? 

« Réglementaire (rires). On se confronte à toute la loi de traitement des coproduits d’origine animale, même si on est que sur la partie manipulation. On se confronte également au fait que quasiment personne ne fait ça, ne gère ces déchets-là, donc il y avait une part d’inconnu assez importante. De notre côté nous avons eu la chance de tomber sur la DDPP du Nord qui nous a accompagné dans notre obtention d’agréement. »

Si l’on aborde le sujet du conditionnement, à quels types de conditionnements procédez-vous ? Faites-vous appel à des sous-traitants pour tout ou partie ? 

« On conditionne tout nous-même selon les demandes de nos clients. On a trois ensacheuses verticales automatiques, qui font des sacs de 2 à 25 kilos, une conditionneuse pour flacons qui est majoritairement utilisée pour le fond de cage pour les oiseaux. 
On faisait également beaucoup de big bags, mais à un certain moment s’est posé le problème du coût et le temps que tout ceci nous prenait. Nous avons alors investi il y a deux ans dans un silo, un boisseau de chargement, que nous avons positionné à l’extérieur de nos bâtiments. Depuis, nous n’avons quasiment plus d’intervention humaine sur notre zone de production : on va aller prendre la matière première qui est stockée en vrac dehors par le biais d’une chargeuse, pour alimenter la ligne et ensuite tout se fait tout seul. Le produit va être séché, criblé, tamisé… Les différentes granulométries vont être redirigées vers les trémies qui leur correspondent, positionnées au-dessus d’un tapis et munies de moteurs écluses, et on va effectuer le mélange de différentes matières premières afin au final d’alimenter ce boisseau de chargement. »

 

« Notre principe est simple : un silo pour un produit »

 
Avez-vous des problématiques de cross-contamination entre vos différentes productions ? 

« Pas du tout. Nous faisons très attention aux risques de contaminations croisées. C’est notamment pour cette raison que nous ne nous diversifions pas trop et que nous restons principalement sur l’alimentation animale. Notre principe est simple : un silo pour un produit, pour éviter tout mélange. Nous sommes sur des produits qui ne périment pas, on va très rarement à la fin du silo, on remplit par-dessus. »

Comment procédez-vous à l’opération de composition de vos recettes? 

« Nous n’avons pas de mélangeur. Nous fonctionnons avec des silos et des trémies qui sont positionnés les uns à côté des autres avec une grande bande transporteuse en-dessous. On fait fonctionner à plus ou moins grande ouverture l’un ou l’autre des silos ou des trémies, nous avons alors une composition de produits qui tombe sur le tapis et qui après est mis en big bag.  »

Avez-vous comme projet d’aller vers d’autres filières pour vous diversifier ?  

« Tout à fait, on a commencé à faire des essais avec des sociétés de béton, on peut également commercialiser en tant que paillis pour mettre au pied des haies. Il y a tellement de possibilités, mais nous souhaitons que notre activité principale reste l’alimentation animale. »